Réduire l’empreinte carbone d’une entreprise n’est plus seulement une démarche vertueuse, c’est une condition de compétitivité et de résilience. Entre attentes clients, exigences réglementaires et pression des coûts énergétiques, les organisations ont tout intérêt à structurer leur stratégie climat. Cela commence par une mesure rigoureuse des émissions, se poursuit par des actions concrètes et chiffrées, et s’ancre dans une gouvernance qui aligne les décisions du quotidien avec des objectifs à moyen et long termes.
Diagnostiquer et mesurer les émissions de CO₂
Mesurer ce que l’on souhaite réduire est la première étape. Un diagnostic carbone s’appuie généralement sur le cadre du GHG Protocol et distingue trois périmètres d’émissions: le Scope 1 (émissions directes, comme la combustion sur site et la flotte), le Scope 2 (émissions indirectes liées à l’électricité, à la chaleur ou au froid achetés) et le Scope 3 (autres émissions indirectes de la chaîne de valeur, en amont et en aval, souvent majoritaires). En France, le Bilan d’Émissions de Gaz à Effet de Serre (BEGES) et, pour les grandes entreprises, la CSRD renforcent cette logique de mesure standardisée et auditée.
L’enjeu principal réside dans la qualité de la donnée. Il convient de cartographier les activités, de prioriser les postes les plus émissifs (énergie des sites, achats, logistique, déplacements, usage des produits), puis de collecter des données d’activité fiables (kWh, litres, km, tonnes, euros d’achats) auxquelles on applique des facteurs d’émission reconnus. Mieux vaut commencer avec des estimations prudentes et documentées que d’attendre la perfection: l’important est de rendre la donnée traçable, de préciser les hypothèses et d’indiquer les niveaux d’incertitude pour chaque poste.
La mesure doit être vivante. Mettre en place un tableau de bord, définir une année de référence, suivre des indicateurs d’intensité (par exemple gCO₂e par unité produite ou par euro de valeur ajoutée) et actualiser les facteurs d’émission permettent de piloter les progrès. Enfin, un diagnostic ne se limite pas aux émissions: on gagne à évaluer les risques et opportunités climatiques (physiques et de transition), à modéliser des scénarios alignés avec la science et à relier ces enseignements à la stratégie d’investissement et d’achats.
Mettre en place des actions de réduction concrètes
La priorité est de réduire à la source. Côté énergie, cela passe par l’efficacité (isolation, GTB, récupération de chaleur, optimisation des procédés), l’électrification des usages pertinents et l’approvisionnement en électricité bas-carbone via autoconsommation solaire, contrats d’achat d’électricité (PPA) ou garanties d’origine crédibles. Moderniser les équipements, optimiser les horaires de fonctionnement et instaurer une maintenance prédictive génèrent souvent des gains rapides, mesurables et rentables.
La chaîne de valeur est le second grand levier. Repenser les achats en intégrant des critères carbone, allonger la durée de vie des équipements, recourir au reconditionné, concevoir des produits plus sobres et recyclables, et travailler avec les fournisseurs clés sur des feuilles de route de décarbonation permettent de traiter le Scope 3. Côté logistique, on peut optimiser le taux de remplissage, recourir au ferroviaire ou au fluvial quand c’est possible, mutualiser les flux et déployer des flottes bas-carbone. Pour les mobilités, encourager le télétravail raisonné, les mobilités actives, le covoiturage, et prioriser le train sur l’avion pour les trajets intermédiaires réduisent durablement les émissions.
La gouvernance et le financement doivent soutenir ces choix. Fixer des objectifs alignés avec une trajectoire 1,5 °C, instaurer un prix interne du carbone pour orienter les décisions d’investissement, intégrer le climat dans la rémunération variable, et former les équipes accélèrent la transformation. La compensation ne doit couvrir que les émissions résiduelles après réduction, via des crédits de haute qualité privilégiant des absorptions mesurables et durables. La transparence est essentielle: publier la méthodologie, les progrès et les limites, et s’ouvrir à la vérification externe consolide la crédibilité et fédère l’écosystème autour d’une ambition commune.
Décarboner une entreprise n’est pas un projet ponctuel, mais un chantier continu qui mêle données robustes, actions concrètes et engagement collectif. En mesurant avec rigueur, en ciblant les principaux postes d’émissions et en alignant la gouvernance sur les objectifs climatiques, chaque organisation peut transformer une contrainte en avantage compétitif. Le plus important est de commencer, d’apprendre en chemin et de rendre les progrès visibles et irréversibles.